Nouveaux signataires pour protéger la microfinance face aux effets économiques du Covid-19

Face à la crise sanitaire et économique provoquée par le Covid-19, un groupe des bailleurs de fonds, plateformes et acteurs clés du secteur de la finance inclusive  en microfinance ont établi un engagement commun : « Principes clés pour protéger les institutions de microfinance et leurs clients dans la crise du Covid-19 ». A l’initiative de la Fondation Grameen Crédit Agricole, cet engagement a été construit en consensus avec tous les premiers signataires. L’objectif est de protéger aussi bien les institutions de microfinance que leurs clients pour garantir un accès continu au financement dans les meilleures conditions possibles et veiller au bien-être des clients et du personnel.

L’engagement vise à guider les parties prenantes afin de mieux soutenir les institutions de microfinance et les clients vulnérables pendant cette crise. Les principes fondamentaux de cet engagement sont la mise en commun des informations, analyses et anticipations disponibles ainsi que la mise en œuvre concertée des décisions partagées. Les signataires conviennent de coordonner les politiques, l’assistance technique et les ressources afin d’aider les institutions de microfinance à faire face à cette crise sans précédent.

Depuis sa publication en mai, six nouvelles organisations ont signé l’engagement. Cette initiative compte aujourd’hui 26 signataires actifs en Afrique, en Asie, en Europe de l’Est et en Amérique latine : ADA, Alterfin, Azerbaijan Micro-finance Association, Bamboo Capital Partners, CERISE, CIDR Pamiga, Cordaid Investment Management, Crédit Agricole CIB Inde, Crédit Agricole Indosuez Wealth (Asset Management), Crédit Agricole S.A., European Microfinance Network, Fondation Grameen Crédit Agricole, FS Impact Finance, GAWA Capital, InFiNe.lu, Inpulse, Kiva, Luxembourg Microfinance And Development Fund, MCE Social Capital, Microfinance African Institutions Network, Microfinance Center, Rabo Foundation, SIDI, SIMA, Social Performance Task Force et Whole Planet Foundation.

Les signataires invitent d’autres parties prenantes à se joindre à cette initiative commune. La coordination des efforts pour soutenir les actions des institutions de microfinance est essentiel pour surmonter cette crise.

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Les démarches responsables des institutions face aux effets du Covid-19

Par Fondation Grameen Crédit Agricole

En avril dernier, l’étude d’Africa’s Pulse, revue du groupe de la Banque Mondiale, estimait que la croissance économique en Afrique subsaharienne passerait de +2,4% à une fourchette comprise entre -2,1% et -5,1% ce qui constituerait la première récession dans la région depuis 25 ans. Cette récession devrait frapper les pays dépendants des exportations minière et pétrolières tandis que les pays ne disposant pas de ressources naturelles devraient afficher une croissance ralentie mais positive.

La Fondation Grameen Crédit Agricole, en lien permanent avec son réseau de 80 institutions de microfinance (IMF) et entreprises sociales partenaires présentes dans 40 pays, continue son travail de collecte d’informations, d’analyse et de partage de ses observations. Les témoignages privilégiés de nos partenaires nous permettent de continuer notre suivi de la crise et de ses conséquences. Sur ce dernier questionnaire nous nous sommes concentrés sur deux aspects particuliers : les adaptations opérationnelles des IMF et le rôle des agents de crédit pendant cette crise.

En synthèse

La crise économique est devenue une réalité pour la grande majorité des institutions de microfinance accompagnée par la Fondation Grameen Crédit Agricole. Elles ont quasiment toutes mis en place des programmes massifs de reports d’échéance pour faciliter la reprise économique de leurs emprunteurs.

Les agents de crédits de ces Institutions constituent le point de contact privilégié entre les clients et les institutions de microfinance. Ils passent près de la moitié de leur temps de travail à étudier les demandes de reports des échéances de crédits et à les mettre en place.

Les institutions ont rapidement adopté des programmes d’allègement de leurs charges, en veillant à la protection sociale de leurs employés et à la sauvegarde des emplois. Seules 12% d’entre elles ont procédé à des licenciements économiques de collaborateurs ce qui est relativement faible comparativement aux moyennes nationales. En revanche, les institutions reportent leurs programmes de recrutements et une grande partie de leurs investissements. Elles semblent également chercher à orienter leurs financements vers des secteurs considérés aujourd’hui comme moins risqués. C’est notamment le cas de l’agriculture. Cette observation est récente. Elle reste à confirmer et sera suivi attentivement dans nos prochains points d’actualité.

En cherchant pro activement des remparts à la crise, en assurant des démarches responsables, les IMF sont dans la bonne voie : les solutions innovantes d’aujourd’hui pourront également être leurs succès de demain.

Les institutions se concentrent désormais sur le traitement des risques

Alors que la crise sanitaire semble marquer le pas dans les pays ayant adopté les mesures les plus efficaces, les plans de sortie du confinement permettent d’entrevoir une reprise très progressive de l’activité économique. Nos derniers résultats confirment ce que nous observons depuis plusieurs semaines : la capacité d’adaptation remarquable des institutions de microfinance face à une crise sans précédent.

Près de 90% des institutions ont mis en place un comité de crise, présidé par le Directeur général et réunissant le comité de direction, pour piloter les différentes décisions et affronter les effets de la crise. Ce comité se tient généralement toutes les semaines.

« Nous avons créé une “équipe de gestion de crise” composée des membres du comité exécutif et soutenue par le président du conseil d’administration chaque fois que cela est nécessaire. Nous avons une réunion hebdomadaire avec le conseil d’administration pour faire le point sur la situation et valider les principales décisions » – Partenaire au Myanmar

Les effets de la crise se font désormais sentir sur 81% des partenaires sondés qui font état d’une montée des risques sur leur portefeuille de clientèle. Y répondre concentre l’essentiel des efforts des institutions de microfinance, désormais, au détriment d’autres activités considérées aujourd’hui comme moins essentielles (elles étaient près d’une sur deux à fournir ce type de prestations début avril contre une sur trois aujourd’hui). Cette diminution de l’activité destinée à la fourniture de services non financiers (campagne de sensibilisation, d’information, fourniture d’équipements…) permet une croissance forte des activités dédiées à la restructuration des crédits.

« Pour soutenir nos clients au cours des prochains mois, nous proposons la suspension des versements du principal et des intérêts à tous les clients qui n’étaient pas dans le portefeuille à risque au 1er mars. A ce jour, 75% des clients contactés ont accepté. La procédure va se poursuivre » – Partenaire en Côte d’Ivoire

Les institutions s’adaptent sur les plans financier et de l’activité

Le tableau ci-après montre la progression des difficultés rencontrées et les moyens d’atténuation mis en œuvre pour y faire face.

Sur le plan financier

La volatilité des monnaies dans ce contexte pèse sur les trésoreries des institutions : 64% des répondants hors zone Franc CFA font ainsi face à une forte dévaluation de leur monnaie locale face au dollar. Cette dévaluation impacte directement les institutions qui se sont endettées dans cette monnaie puisqu’elles-mêmes perçoivent très majoritairement les intérêts de microcrédit en monnaie locales.

« La situation s’aggrave encore avec la dévaluation importante du KGS au cours des derniers mois, ce qui contribue à augmenter le coût de couverture de change » – Partenaire au Kirghizstan

Les informations fournies par nos partenaires lors de ce sondage confirment aussi les dispositions quasi-obligatoires prises par les IMF pendant la crise : 67% des IMF interrogées ont réduit ou arrêté les décaissements de microcrédits. Dans une même proportion les institutions ont commencé à restructurer massivement les prêts accordés aux petits emprunteurs en accordant des reports d’échéances de 3 mois, en moyenne. Ces périodes de moratoires constituent un élément véritablement essentiel de la gestion de crise, à tous les niveaux. Qu’ils soient mandatés par les régulateurs locaux, ou proposés spontanément par les IMF, ils permettent aux emprunteurs de bénéficier d’un allègement des charges avant une reprise de leurs activités. De la même façon, les nombreux processus de reports des échéances des investisseurs permettent aux IMF de conserver de précieuses liquidités dans une période d’incertitude. La Fondation Grameen Crédit Agricole a ainsi accordé de nombreux reports d’échéance en avril, en parfaite concertation avec les autres prêteurs.

La crise n’entame pas pour autant la proactivité des IMF et les incite à s’adapter. Pour cela, certaines cherchent des secteurs plus résilients dans ce contexte de crise économique. C’est ainsi que nous avons constaté que 40% des institutions envisagent de s’orienter vers le secteur agricole alors que ce secteur était plutôt délaissé car considéré comme plus risqué avant la crise. Ce point sera particulièrement suivi lors des prochains questionnaires tant ce pourcentage nous semble marquer un changement d’attitude notable. Cette nouvelle orientation est envisagée par plus de la moitié d’IMF dont le montant des prêts agricoles ne dépasse pas un tiers de leur portefeuille, mais également par des IMF très rurales et agricoles. Il est encore trop tôt pour le dire mais la crise actuelle pourrait encourager les institutions à découvrir des secteurs traditionnellement délaissés.

« Nous allons de l’avant avec des plans sur le financement rural et agricole » – Partenaire en Sierra Leone

Sur le plan de l’activité

Concernant l’activité, les difficultés de déplacement des équipes tendent à se résorber quelque peu : 55% éprouvent des difficultés en mai contre près de 80% en avril. En revanche, les réunions de groupe sont toujours prohibées, l’interdiction est d’ailleurs en croissance, ce qui pénalise les processus relationnels des institutions, en premier lieu avec les clients qui n’ont pas d’alternative aux prêts solidaires.

« Les réunions de groupe étaient hebdomadaires ou bihebdomadaires pour les remboursements et les rencontres sociales. Sans réunion de groupe, vous ne pouvez plus exiger le remboursement » – Partenaire au Kenya

Sur le plan social, seulement 12% des sondés ont dû se séparer d’employés depuis le début de la crise ce qui est cependant assez peu en comparaison des moyennes nationales de croissance des chiffres du chômage. Nos partenaires semblent suivre le premier principe érigé par SPTF (1)  « Keep staff employed » selon lequel « les employés d’aujourd’hui seront les atouts demain ». Pour un grand nombre de nos partenaires, se séparer de salariés en période critique semble une perte plus importante qu’un léger gain économique conjoncturel. En revanche, les anticipations pèsent déjà sur les projets de croissance et de développement de nos partenaires puisque près d’une institution sur deux a mis en attente ces projets de recrutement en cours. Cette incertitude pèse également sur les projets organisationnels avec 41% des IMF interrogées qui ont décidé de reporter ce type de projets internes.

La protection du personnel est toujours un point de vigilance avec 90% des IMF qui continuent à lui fournir des moyens importants et à lui rappeler les gestes barrières. Dès le début de la crise, nos partenaires ont pris des décisions rapides pour diminuer le poids de leurs charges fixes et limiter le risque d’exposition à la crise sanitaire : congés payés obligatoires (52%), télétravail (62%), rotation des équipes réduction du temps de travail (57%) ou encore réduction des horaires d’ouverture des agences (52%). Le niveau d’avancement de digitalisation interne de certaines institutions a favorisé ces mutations organisationnelles. C’est le cas notamment pour nos partenaires en Europe et en Asie Centrale, qui bénéficient de nombreux outils électroniques et en ligne.

« La plupart d’entre nous, au siège, travaillons à distance, grâce à notre propre système informatique à distance qui permet à tous les départements de continuer à travailler sans problème » – Partenaire en Géorgie

La crise actuelle qui, nous l’avons vu, limite les capacités de « business as usual » des IMF, nous a amené à étudier l’adaptation du métier d’agent de crédit, au cœur du métier de la microfinance. Certaines missions restent les mêmes, notamment pour les IMF dans les pays les moins affectés : déboursements de prêts (43%), suivi des remboursements (38%) ou analyse des dossiers clients (43%).

La restructuration de prêts en cours prend une place de plus en plus importante dans le quotidien des agents de crédit (43%), avec l’encouragement à utiliser des paiements mobiles (36%) et la rédaction des avenants liés aux reports d’échéances (31%).

Tout comme dans le secteur de la banque de détail, où le chargé de clientèle a démontré toute son importance en période de crise, les agents de crédits des institutions de microfinance sont le lien privilégié des clients. 81% des sondés affirment que le rôle essentiel des agents de crédits est de maintenir le contact avec les clients et/ou les leaders de groupes de crédit.

Nous maintenons le contact avec tous les clients individuels, les chefs de groupe et les présidents de banque de village par le biais de canaux digitaux et téléphoniques. – Partenaire en Zambie

Renforcer l’interaction avec les clients par téléphone (intelligent) ou autres appareils numériques et réaliser le recouvrement par l’intermédiaire du chef de groupe si possible – Réseau international d’IMF

Cette démarche essentielle et massive est d’autant plus à privilégier qu’elle est reconnue par la Social Performance Task Force (SPTF) dans ses principes responsables de crise ,  comme étant essentielle en période de fragilité de la clientèle. Remarquons également que 33% des IMF ont initié des sondages auprès de leurs clients pour mieux comprendre leurs besoins et proposer des offres et services adaptés. Pour près de la moitié des IMF (43%) les conseillers ont également le rôle de « conseiller sanitaire » en rappelant les bonnes mesures d’hygiène, c’est le cas notamment en Afrique de l’Ouest et en Europe.

“L’un des meilleurs investissements que vous puissiez faire en ce moment est de maintenir un contact rapproché avec vos clients. Beaucoup ne peuvent pas effectuer de paiements, mais ils représentent malgré tout des atouts précieux”. – SPTF

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(1) SPTF est une organisation à but non lucratif qui s’engage avec des parties prenantes de la finance inclusive pour développer et promouvoir des normes et bonnes pratiques de gestion de la performance sociale.

Une coalition internationale pour protéger les institutions de microfinance et leurs clients dans la crise du Covid-19

©Philippe Lissac

A l’initiative de la Fondation Grameen Crédit Agricole, un groupe de bailleurs de fonds et de plateformes de la microfinance a travaillé sur un ensemble de principes pour mieux soutenir le secteur de la microfinance dans la crise sanitaire et économique provoquée par le Covid-19. Fondation Grameen Crédit Agricole, ADA, Alterfin, Cerise, CIDR Pamiga, Cordaid Investment Management, Crédit Agricole CIB Inde, CA Indosuez Wealth (Asset Management), European Microfinance Network, FS Impact Finance, InFiNe.lu, Inpulse, Luxembourg Microfinance And Development Fund, MCE Social Capital, Microfinance Center, Rabo Foundation, SIDISIMA et Social Performance Task Force sont les premiers signataires d’un engagement commun qui vise à soutenir les institutions de microfinance et les clientèles fragiles pendant cette crise.

A l’échelle mondiale, les institutions de microfinance fournissent des produits et des services financiers et non financiers à plus de 140 millions de clients à faible revenu [1]. La microfinance joue un rôle essentiel dans le financement d’activités génératrices de revenus dans le secteur formel mais également dans le secteur informel. Dans le contexte de la crise du Covid-19, les microentreprises de l’économie informelle et les petites entreprises forment une pièce maîtresse dans la reprise économique et sociale.  Soutenir les institutions de microfinance dans ce contexte revêt dès lors une importance capitale pour protéger leurs emprunteurs les plus vulnérables.

Face à ces enjeux, un groupe de bailleurs et plateformes de la microfinance ont relevé le défi et établi un engagement commun : « Principes clés pour protéger les institutions de microfinance et leurs clients dans la crise du Covid-19 ». Il vise à guider les bailleurs et les autres parties prenantes afin de mieux soutenir les institutions de microfinance et les clientèles fragiles pendant cette crise. Il s’inspire des meilleures pratiques et des outils du secteur de la microfinance, tels que les travaux effectués par le Social Performance Task Force [2] et les principes d’IAMFI sur le rééchelonnement de la dette en microfinance [3].

Les principes fondamentaux de cet engagement sont la mise en commun des informations, analyses et anticipations disponibles ainsi que la mise en œuvre concertée des décisions partagées. Les signataires conviennent de coordonner les politiques, l’assistance technique et les ressources afin d’aider les institutions de microfinance à faire face à la crise. L’objectif est de protéger aussi bien les institutions de microfinance que leurs clients pour garantir un accès continu au financement dans les meilleures conditions possibles et veiller au bien-être des clients et du personnel.

Étant donné que les obligations et mandats individuels peuvent influer sur la manière dont les dispositions de l’engagement sont mises en œuvre, il ne s’agit pas d’un accord juridiquement contraignant. Ce n’est pas un document figé ; il pourrait être amélioré si besoin pour mieux répondre à l’évolution de la crise. Les signataires de l’engagement maintiendront une communication ouverte avec leurs pairs, pour partager leurs décisions et pour se conformer à ces principes.

Les signataires invitent d’autres parties prenantes à se joindre à cette initiative commune et engagée. L’implication des acteurs privés, publics et solidaires est au cœur du suivi et du soutien aux actions des institutions de microfinance au niveau mondial. Il est essentiel de renforcer l’impact de l’inclusion financière pour lutter contre la pauvreté dans ce contexte sans précédent.

Télécharger l’engagement

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[1] Baromètre de la microfinance 2019
[2] //sptf.info/resources/covid19
[3] Charting the Course: Best Practices and Tools for Voluntary Debt Restructurings in Microfinance, IAMFI, Morgan Stanley, 2011. The document is available on Findev Gateway  

Le digital et le secteur de la microfinance face à la crise sanitaire

Par Fondation Grameen Crédit Agricole

Karel Prinsloo

La mise en place d’un observatoire dédié au suivi des effets de la crise sanitaire en relation avec 80 institutions de microfinance (IMF) et entreprises de social business partenaires dans une quarantaine de pays émergents nous permet de collecter régulièrement des informations pour les partager et en tirer les meilleurs enseignements.

Cette semaine nous avons plus particulièrement suivi la façon dont les institutions de microfinance utilisaient les canaux digitaux pour pallier à leur difficulté de contact direct avec les emprunteurs qui ont lieu traditionnellement soit en agence, soit lors des réunions de groupe ou bien encore, lors des décaissements de fonds (la microfinance utilise très majoritairement des espèces lors de la remise des sommes empruntées) ou du suivi des projets financés.

Dans notre enquête menée début avril, 68% des institutions de microfinance partenaires indiquent avoir accru l’utilisation des canaux digitaux pour pallier aux difficultés de contact, en conséquence des mesures de confinement ou d’interdiction de réunions de groupe. Cette croissance forte des usages que l’on observe dans le secteur de la finance traditionnelle s’observe donc également dans le secteur de la microfinance dont l’industrie s’adapte à marche forcée.

Les moyens technologiques et les processus incluant des outils digitaux sont en train d’être rapidement développés par des Institutions de toutes tailles (les plus petites ayant des tailles de portefeuille clients inférieures à 10 millions de $, les plus grandes dépassant très largement les 100 millions de $). Depuis le début de la crise, les institutions produisent des plans de continuité d’activité, base de nouvelles discussions et d’échanges avec leurs bailleurs de fonds, dans lesquels elles y incluent très fréquemment des nouveaux usages digitaux.

Pour la plupart des Institutions, la première étape est celle de la sensibilisation des clients à la possibilité d’utiliser des moyens de paiement à distance. Cette étape est mise en œuvre par l’intermédiaire de messages SMS (particulièrement adaptés pour des couvertures réseau en 2G) mais également par les réseaux sociaux, lorsque le réseau téléphonique le permet.

« [Nous] encourageons les clients par SMS à utiliser les plateformes d’argent mobile pour les remboursements car c’est le mode le plus sûr pour le moment » – IMF en Ouganda

« [Nous] commençons à informer les clients par les médias sociaux et les SMS sur la possibilité de remboursement via les terminaux, les portefeuilles mobiles et les services bancaires par Internet » – IMF au Tadjikistan

Pour les nombreuses IMF qui ne l’avaient pas encore dans leur gamme de services, le premier processus qui a été rapidement développé au début de cette crise sanitaire est celui du paiement des échéances par monnaie électronique. Cette pratique de paiements à distance est encouragée par de nombreux régulateurs, c’est notamment le cas de la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC) pour les pays sous son autorité ou de la Banque Centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) qui a décidé la réduction des frais de transfert et d’utilisation de cette forme de monnaie. Cette mise en place de paiement à distance est accompagnée d’envois massifs de messages d’information à destination des clients pour leur expliquer ces nouvelles modalités.

« Nous envoyons de nombreux SMS à nos clients pour leur rappeler comment utiliser le code de l’argent mobile pour effectuer leurs remboursements de prêt ainsi que la hotline qu’ils peuvent appeler pour obtenir de l’aide ou se plaindre » – IMF en Ouganda

Ces services à distance permettent aux clients de payer leurs échéances sans avoir à se déplacer (et donc à utiliser les transports en commun) en utilisant le réseau des kiosques de paiement des opérateurs téléphoniques généralement dense et présents y compris en zones rurales.

La mise en place de ces moyens de paiement autorise également, désormais, le décaissement de prêts sur les portefeuilles électroniques des clients, ceux-ci se déplaçant dans ces mêmes kiosques non pas pour payer leurs échéances mais pour obtenir le décaissement en espèces de leurs microcrédits. En période de confinement, l’utilisation de la monnaie électronique permet donc de poursuivre l’activité de financement.

« L’Autorité monétaire palestinienne exhorte les Institutions de microfinance à octroyer des prêts à taux d’intérêt réduits pour financer des projets générateurs de revenus par le biais des canaux digitaux » – IMF en Palestine

Pourtant, de façon étonnante, cette crise est vécue par certaines institutions comme une véritable opportunité d’accélérer la mise en place de plateformes digitales et le lancement de nouveaux services pour gagner en optimisation opérationnelle voire même en excellence relationnelle. Pour les dirigeants des Institutions partenaires, devoir investir dans les outils digitaux pour des raisons aujourd’hui « vitales » pour leurs institutions leur semble être un moyen d’accélérer des plans d’investissement auxquels ils songeaient avant la survenance de la crise. Elle leur permet ainsi d’engager sans attendre la modernisation de leur modèle de distribution et de leur processus, ce qui n’a pas manqué de nous étonner très favorablement bien que nous connaissions la vitalité et la capacité d’innovation de nos partenaires.

« Cela avait été envisagé avant le problème du COVID […]. Cependant, des discussions sont maintenant en cours concernant la possibilité de lancer [la solution de paiement mobile] accessible à tous les clients » – IMF au Sri Lanka

« Dans des moments comme celui-ci, où tout peut être considéré comme un vecteur de transmission du virus, il est prudent de diminuer la manipulation des espèces. [Nous] avons donc profité de cette crise pour améliorer [notre plate-forme digitale] afin de détecter les lacunes et de réduire les failles de notre système » – IMF au Ghana

Les économies de certains pays qui étaient déjà fortement digitalisées, comme en Afrique de l’Est par exemple, semblent offrir une plus grande résilience aux effets de la crise. Les institutions de microfinance opérant dans ces zones affichent en effet une agilité d’adaptation remarquable. A titre d’exemple, l’économie kenyane, particulièrement ouverte aux opérations de paiement, de financement et d’investissement par le biais de porte-monnaie électroniques fonctionne selon des usages à distance qui minimise les risques de propagation du virus.

« Le Kenya est mieux préparé que les autres pays en raison de la forte pénétration de l’argent mobile. Le concept est largement utilisé par la population » – IMF au Kenya

De nombreuses institutions nous disent qu’elles seront plus structurées et plus efficaces au lendemain de cette crise. Ces expériences, quelquefois vitales pour poursuivre leur activité, leur paraissent très utiles pour envisager des gains de performance opérationnelle dans le futur.

« Notre équipe a adapté notre application mobile pour ajouter une fonctionnalité permettant de demander à distance la restructuration d’un prêt. […] Nous avons introduit un nouveau critère dans notre outil de surveillance – «urgence (coronavirus)», ce qui signifie que les agents de crédit devront surveiller leurs clients à distance, obtenir des informations et saisir des données de surveillance dans le logiciel » – IMF au Kazakhstan

« Notre nouvelle stratégie se concentre sur la transformation de [notre] mode de fonctionnement actuel pour adopter davantage de solutions numériques, réduire le besoin d’interactions physiques entre les employés et les clients et remplacer les transactions en espèces par des fonctionnalités de paiement mobile » – IMF en Géorgie

Ces effets positifs de la digitalisation obtenus grâce à des évolutions menées à marche forcée par les institutions de microfinance se retrouvent également dans les entreprises sociales de notre portefeuille de participations. La digitalisation des processus opérationnels est un moyen de lutter très efficacement contre les contraintes du confinement pour ses entreprises qui ont à traiter directement avec le public ou avec des fournisseurs de matières premières. C’est le cas par exemple d’une entreprise sénégalaise qui, grâce au paiement digital, voit ses activités de collecte de lait et de vente de produits laitiers se poursuivre et générer une croissance qui dépasse les prévisions.

Pour une autre entreprise sociale, spécialisée dans le traitement de l’eau potable, la crise sanitaire a également conduit au développement de livraison d’eau à domicile consécutivement à une commande en ligne.

Nos partenaires sont conscients que le recours aux solutions digitales n’est pas une solution globale pour répondre à toutes les questions soulevées par cette crise systémique. Ils s’attendent en effet à ce que leurs clients et leurs opérations rencontrent des problèmes de relance économique auquel le digital ne pourra être que d’une aide parfaitement relative. Malgré l’usage de plus en plus intensif des canaux digitaux, l’activité commerciale des Institutions de microfinance ralentit. Elles se concentrent toutes sur l’accompagnement de leurs clientèles en prenant soin de faire face, tout en conservant une maitrise du risque et une bonne qualité opérationnelle, aux demandes de reports d’échéances de plus en plus nombreuses.

Dans certaines zones, les autorités de tutelle ont émis des directives ou de fortes recommandations pour que les IMF octroient des moratoires à leurs clients pouvant durer plusieurs mois ce qui imposent une activité très importante aux institutions.

Pour autant, dans la majorité des témoignages que nous avons recueillis, la crise sanitaire est perçue comme une séquence qui impose aux différents Comités de direction de nos partenaires une réflexion profonde sur leur performance opérationnelle sous contrainte. Les expériences vécues et les solutions trouvées pour faire face à la crise sanitaire seront très utiles pour « le jour d’après », nos partenaires en sont persuadés.

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Les institutions de microfinance anticipent les premiers effets d’une récession

Par Fondation Grameen Credit Agricole

La crise commence à produire ses effets économiques

Quelques jours après notre dernière publication, l’impact du coronavirus continue de s’étendre et de s’intensifier. Le cap du million de contaminés dans le monde a été dépassé et de nouveaux foyers de l’épidémie se confirment.

La Fondation Grameen Crédit Agricole, en lien permanent avec son réseau de près de 80 institutions de microfinance (IMF) partenaires présentes dans 40 pays, continue son travail de collecte d’informations, d’analyse et de partage de ses observations. Au cours de ces derniers jours, nous avons centré notre suivi sur les conséquences de la crise et le travail des IMF pour y faire face.  Ces informations sont très importantes. Elles nous permettent, à notre niveau, de prendre les décisions les plus pertinentes pour la gestion de la Fondation, pour l’accompagnement de nos partenaires et l’efficacité de notre action au plus près de leurs difficultés et anticipations. Elles contribuent également au partage d’informations entre les acteurs de ce secteur qui s’organisent collectivement, dans ces moments de crise.

Les résultats que nous avons obtenus confirment les tendances pressenties dans les informations remontées lors des premières semaines : la crise est très dure, au-delà sans aucun doute de nos premières prévisions de début mars, mais la résistance s’organise. L’effet de la crise sanitaire est systémique. Aucun modèle de stress ne l’avait anticipé. La réponse devra être donc être systémique, elle aussi, si nous voulons éviter une défaillance majeure de cette industrie.

Les petites activités de proximité entrent en récession

78% de nos partenaires constatent les premiers effets de la récession économique sur leurs zones d’activité.

Dans les premiers retours que nous recevions, les zones rurales semblaient échapper aux premiers effets de la crise, surtout dans les zones de production vivrière. Désormais, quelle que soit la taille des institutions (les plus petites ont un portefeuille de financement inférieur à 10 millions de dollars, et supérieur à 100 millions de dollars pour les plus importantes) et leur situation géographique, elles sont toutes, peu ou prou, confrontées à des problèmes similaires : l’impossibilité de déplacement (74%), la baisse des décaissements aux emprunteurs (77%), l’interdiction des réunions de groupe (63%) sont les raisons les plus citées par nos partenaires concernant les causes de ralentissement de leur activité.

« Comme indiqué lors de la première analyse, l’impact direct prévu (jusqu’à 6 mois) est la possible détérioration de la qualité du portefeuille dans les secteurs du tourisme, des transports et de l’hôtellerie, ainsi que celle des prêts financés par les transferts de fonds depuis l’étranger. Un impact à moyen terme est également attendu en raison du ralentissement général de l’économie et de la réduction de la clientèle solvable. » – Partenaire en Géorgie

Plus du tiers de nos partenaires subit des confinements quasi-totaux (36%) et les autres s’adaptent à des mesures contraignantes de pré-confinement.

« [Nos] activités ont été fortement affectées jusqu’à présent, les entreprises des clients étant principalement touchées par les craintes générales du public et plus directement par les directives strictes mises en place par le gouvernement pour tenter de contrôler la propagation du virus. Il est également anticipé qu’il y aura une augmentation du coût de la vie […]. Les importations diminuent, les coûts de production augmentent. Il est probable que le PIB du Kenya chute et que l’inflation augmente, ce qui affectera l’économie du pays. » – Partenaire au Kenya

« Nous constatons que le gouvernement prend de plus en plus de mesures pour limiter les déplacements et les activités commerciales. Par exemple, un gouvernement régional a précisé que toutes les activités de microfinance dans la région devaient être suspendues pendant le mois d’avril. Nous recevons des demandes similaires de la part des autorités des villages d’autres régions. » – Partenaire en Birmanie

Des effets qui impactent désormais les comptes des institutions

Ces difficultés commencent à se traduire dans les chiffres des IMF. Ainsi, 74% des institutions expliquent avoir noté une hausse de leur portefeuille à risque (PAR 1) par rapport à la fin de l’année 2019. Cette augmentation est pour l’instant contenue à moins de 10% en valeur absolue pour 8 institutions sur 10.

Les institutions accélèrent clairement l’usage du digital et l’intensifient afin de compenser l’impossibilité des équipes commerciales de se déplacer et d’organiser des décaissements en main propre. Ainsi, 68% des sondés déclarent avoir recours à une utilisation plus importante des services digitaux pour réaliser leurs activités à distance.

Les opérations de restructuration des prêts ont déjà commencé pour près d’une IMF sur deux (43%). L’intervention annoncée des régulateurs et législateurs dans le secteur financier se confirme : près de la moitié des sondés (44%) sont incités à proposer pro-activement des moratoires et des restructurations au profit de leurs emprunteurs (les pays qui ont imposé ces mesures sont, notamment, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Sri Lanka, le Cambodge, l’Inde, l’Ouganda, le Burkina Faso, le Rwanda, le Sénégal, la RDC, l’Egypte, le Maroc et de nombreux pays d’Europe de l’est). De nouvelles initiatives commencent également à être envisagées, comme la mise en place de produits d’urgence (de type minimum vital) dans les mois à venir.

Les institutions mettent en place des plans de crise

Cette crise systémique engage une revue en profondeur des planifications d’activité des IMF et des besoins de financement. A l’examen, la hausse des reports d’échéance accordés aux emprunteurs ne se traduit pas encore, de façon significative, par des besoins en ressources financières additionnelles pour les IMF interrogées. Ainsi au moment de l’enquête, 48% d’entre elles ne percevaient pas encore de changements dans leurs besoins de liquidités par rapport aux projections faites pour l’année, et un tiers envisageait même une baisse de leurs besoins en raison d’une baisse significative de leur activité.

A ce stade, seule une IMF sur cinq (19%) anticipe une hausse de ses besoins financiers, liée à l’augmentation du prix des intrants (semences, engrais, matières premières…) qui déclenchera une hausse des besoins financiers de la part des emprunteurs, principalement dans les zones rurales de nos territoires d’intervention. Les grands réseaux internationaux de microfinance sont à l’origine de cette analyse prospective.

« En plus de la crise du Covid-19, le Kazakhstan a été touché par la forte baisse des prix du pétrole qui a affaibli la monnaie nationale de 380 tenges à 445 pour un dollar » – Partenaire au Kazakhstan

Les réponses de nos partenaires font apparaitre d’autres facteurs d’inquiétude désormais, notamment dans leur capacité à financer leur activité: un quart d’entre eux prévoient une perte de valeur de leur monnaie locale face au dollar (26%) et une augmentation conséquente des couvertures de change dans leurs financements à venir (23%). Une IMF sur cinq constate d’ores et déjà des difficultés de financement rencontrées avec leurs bailleurs de fonds habituels.

Pour pouvoir piloter au plus près la montée des risques et des évolutions de financement, plus de la moitié des Institutions IMF (55%) déclarent avoir finalisé, ou être en passe de le faire, un Plan de Continuité d’Activités incluant un suivi précis de la liquidité. Cette réactivité est remarquable et de tels plans sont un élément essentiel pour aider les IMF à faire face et gérer les conséquences de la crise.

Notre analyse nous amène à constater une apparente corrélation dans la qualité des Plans de Continuité d’Activité suite à la crise du Coronavirus et l’expérience passée d’une crise forte ayant déjà affecté l’IMF. Les enseignements tirés des crises passées semblent ainsi jouer un très grand rôle dans la capacité de résilience des institutions face à une crise, qu’elle soit financière, politique, sanitaire… Pour autant, bon nombre d’institutions moins expérimentées en la matière montrent également une volonté d’innovation et une capacité d’anticipation remarquables.

Les bailleurs de fonds ont également réagi très rapidement. Forts eux aussi des enseignements de crises passées, ils font montre, depuis quelques semaines, d’une capacité d’intervention et d’anticipation remarquable dans un secteur d’activité encore jeune, malgré tout. Ainsi, dans toutes les régions du monde les prêteurs internationaux, des Fondations, fonds d’investissement, banques locales, travaillent autour de plans d’actions communs. De multiples réunions s’organisent, un peu partout dans le monde, pour anticiper la crise et veiller à en absorber les effets qui seraient dévastateurs sans cette prise de conscience et cet engagement rapide et déterminé ; tous s’accordent sur la nécessité d’un partage d’information et d’une coordination efficaces entre les différents acteurs. Les bailleurs organisent leur action autour de réponses adaptées aux besoins en financement des IMF impactées par la crise, mais également en proposant des outils de suivi, des plans d’assistance technique ou des formations pour renforcer les capacités des équipes des IMF face à cette situation aussi soudaine qu’exceptionnelle.

Tous ces éléments rappellent à quel point cette crise est l’affaire de tous les acteurs de la microfinance. L’implication et la rigueur des institutions locales, la coordination des réseaux internationaux, le soutien des bailleurs de fonds publics ou privés et la confiance des investisseurs seront les valeurs clés de notre capacité collective à remporter le défi de ce tsunami sanitaire.

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ADA publie un guide pour pour assurer la continuité des IMF pendant la crise

© Didier Gentilhomme

La crise sanitaire et économique générée par le Covid-19 affecte fortement les institutions de microfinance et leurs clients. Pour soutenir le secteur de la microfinance dans ce contexte si particulier, l’ONG ADA poursuit sa mission de promouvoir l’inclusion pour tous en mettant en profit son savoir et son expertise en gestion des risques avec un guide de bonnes pratiques pour la continuité des institutions de microfinance.

Disponible en français, anglais et espagnol, ce guide propose des recommandations aux institutions de microfinance pour organiser une gestion de crise et assurer une continuité de leur activité.

Le document est téléchargeable sur le site de ADA, dans une page exclusivement dédié à la gestion de la crise du Covid-19, un espace qui propose des articles de partenaires, des guidelines, des témoignages et vidéos afin d’offrir un lieu d’échanges et de partage d’expériences entre les professionnels du secteur.

Ce guide décrit certains points d’attention pour l’analyse et les mesures à prendre pour organiser une gestion de crise appropriée et assurer la continuité des activités face à la pandémie COVID-19.

Pour y accéder, cliquez ici.

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[INTERVIEW] “La vie doit continuer, il ne faut pas perdre l’espoir”

Interview de Dara Huot, Directeur, Phare Performing Social Enterprise

©Philippe Lissac

Le CambodgeMag a interviewé Dara Huot, Directeur de Phare « Performing Social Enterprise », partenaire de la Fondation Grameen Crédit Agricole. Il fait part de ses inquiétudes et espoirs concernant l’entreprise sociale du cirque Phare.

Depuis le 17 mars, les représentations du cirque Phare, l’une des principales attractions de Siem Reap, mais aussi de Battambang, ont été suspendues…

Oui, il s’agissait pour nous d’appliquer une décision gouvernementale prise à l’encontre des salles de spectacles. Avant cela, nous avions mis en œuvre toutes les mesures nécessaires pour désinfecter les locaux entre chaque performance et respecter les distances entre les spectateurs. La température était contrôlée pour chaque personne entrant dans le chapiteau, et des distributeurs de solution hydroalcoolique étaient disposés un peu partout. Mais de toute façon, le nombre de spectateurs se réduisait peu à peu. Le décret gouvernemental n’a fait que précipiter une fermeture qui aurait été inéluctable.

Comment le personnel a-t-il réagi à cette fermeture ?

Phare est une très grosse entreprise sociale, divisée entre Siem Reap et Battambang. Ici, nous avons 40 artistes et 70 employés. L’école de Battambang, qui propose des formations au cirque, mais aussi à l’animation graphique, à la danse, la peinture ou encore au théâtre, compte 110 professeurs pour 1 200 élèves. Lorsque la fermeture a été décidée, nous en avons profité pour reprendre notre liste de « choses à faire », vous savez, tous ces petits trucs qui s’accumulent au fil du temps et que nous réservons généralement pour la saison creuse.

Nous avons tout nettoyé, refait les peintures, effectué tous les travaux de maintenance… Et puis, lorsque nous avons fini tout ça, chacun est rentré chez soi. La grande majorité du personnel vient de Battambang, beaucoup ont donc rejoint leur famille là-bas. Tous les artistes continuent à s’entraîner d’arrache-pied, pour la reprise des spectacles, mais aussi pour les prochaines tournées. Certaines ont été annulées, mais nous espérons pouvoir effectuer celle prévue en France pour cet hiver.

Les salaires continuent-ils d’être versés ?

L’intégralité des salaires a été versée durant tout le mois de mars. À partir d’avril, ces derniers ont diminués de 50 %, et il en sera ainsi pour les mois suivants. Il est impensable de laisser nos employés sans aucun revenu, et nous n’hésitons pas à puiser dans notre trésorerie pour cela. Mais combien de temps pourra-t-on encore continuer ainsi ? Au bout de 3 ou 4 mois, les caisses seront vides… D’autant plus qu’il nous faut continuer à payer tous nos loyers.

Vos employés bénéficient-ils d’un soutien de la part des institutions ?

Non, ce n’est pas comme en France, où des indemnités sont accordées aux personnes qui se retrouvent sans emploi. Rien n’est prévu pour eux ici, et la situation est d’autant plus dure que nombre d’employés ont contracté des dettes auprès des banques et des organismes de microfinance. Les intérêts qu’ils doivent rembourser chaque mois sont très élevés, et je ne vois pas comment ils vont pouvoir s’en sortir. Le seul espoir serait un assouplissement, de la part de ces organismes, des modalités de remboursement. En réduisant peut-être les taux d’intérêt, en espaçant les échéances ou, pourquoi pas, en les suspendant le temps que les choses reviennent à la normale. Un moratoire sur les loyers pourrait aussi permettre à de nombreux Cambodgiens de voir passer la crise. Dans l’état actuel des choses, rembourser un crédit, payer un loyer et subvenir aux besoins de sa famille lorsque l’on a un salaire réduit ou, pire, lorsque l’on se retrouve au chômage va poser de grands problèmes à toute une partie de la population.

En quoi cette crise va-t-elle changer Siem Reap ?

Depuis l’ouverture de la ville au tourisme de masse, c’est-à-dire une vingtaine d’années, le nombre de visiteurs n’a fait que croître de manière exponentielle. Les infrastructures, elles, n’ont pas forcément suivi. L’environnement a beaucoup souffert de la hausse de fréquentation, les déchets ne sont pas toujours bien gérés, l’accès à l’eau et sa qualité posent encore problème dans certains quartiers. Les besoins en électricité ont augmenté, mais les coupures restent nombreuses. Pourquoi ne pas profiter de cette « pause » involontaire pour se renouveler, se remettre en question et, ainsi, embellir la cité ? Il faut rester positif, essayer de voir ce que nous pourrons tirer de cette épreuve. La vie doit se poursuivre, il ne faut pas perdre espoir, et continuer à être positif malgré les circonstances. Nous devons plus que jamais prendre soin de nous et de nos proches, et rester forts. C’est important pour soi, mais aussi pour celles et ceux qui nous entourent. Tout le monde espère que cette pandémie durera le moins longtemps possible. 2019 aura été une année difficile, et 2020 sera encore bien pire. Mais nous nous en sortirons, et reviendrons, je le souhaite, endurcis par cette épreuve. Même s’il sera, bien entendu, très difficile de remonter la pente.

Le secteur de la microfinance s’organise face aux effets de la crise sanitaire

Par Fondation Grameen Crédit Agricole

Le virus COVID-19 continue de s’étendre à travers le monde avec plus de 450 000 cas confirmés au 26 mars 2020. Les gouvernements, même ceux qui s’en défendent, engagent des mesures d’endiguement de l’épidémie de plus en plus strictes. Alors que la situation évolue plus rapidement chaque jour, les acteurs de la microfinance se préparent à affronter cette crise en prenant des premières dispositions salutaires.

A la suite de son enquête lancée il y a deux semaines, la Fondation Grameen Crédit Agricole a créé un observatoire pour actualiser en permanence les informations recueillies au travers d’échanges quotidiens avec ses Institutions de microfinance (IMF) partenaires. L’objectif est de mieux comprendre comment les accompagner mais aussi de partager ses analyses avec les autres acteurs financiers du secteur de la Finance inclusive et de l’aide au développement.

S’adapter pour freiner la propagation du virus

Les IMF ont très vite perçu l’enjeu sanitaire de la crise. Elles ont immédiatement cherché à ajuster leurs modalités de fonctionnement aux risques de contaminations en adoptant les gestes barrières recommandés et lancé des campagnes de sensibilisation auprès des clients et des employés.

“Le lavage des mains est obligatoire dans toutes les agences, avec la mise à disposition de seaux et de savon pour toutes les personnes entrant dans les bureaux. Des désinfectants pour les mains sont fournis sur le comptoir pour tous les clients qui font des transactions avec les caissiers. […] Le processus d’acquisition de masques de protection pour les caissiers est en cours. Il est fortement conseillé à tous les membres du personnel qui ressentent des symptômes de rester chez eux pendant le suivi. Nous avons fortement recommandé à tout le personnel d’éviter de se rendre dans les branches compte tenu de l’évolution de la situation, sauf si cela est absolument nécessaire”. – Partenaire en Sierra Leone

Les IMF ont également dû s’adapter aux décisions prises par les autorités locales pour freiner la propagation du virus. Les organisations dans les zones les plus risquées se sont ainsi vu contraintes de cesser partiellement ou complètement leurs opérations et de fermer certaines de leurs agences de proximité.

“Toutes les opérations seront fermées à partir de 12h00, le 26 mars 2020, conformément à l’annonce faite par le Président le lundi 23 mars et afin de permettre au personnel de rentrer chez lui pour la période de confinement. […] Les décaissements destinés aux clients ont été reportés à la fin de la période de confinement”. – Partenaire en Afrique du Sud

Le télétravail ou les systèmes de rotation des effectifs ont été rapidement mis en place chez une très grande majorité de nos partenaires. Face aux nombreuses interdictions de regroupements, les institutions travaillent désormais avec un représentant des groupes solidaires de crédit et restent en contact avec leurs clients par le biais de services de messagerie instantanée.

Les solutions digitales sont particulièrement adaptées à ce contexte. Elles permettent la poursuite des activités de décaissement des microcrédits et de recouvrement à distance. Dans une laiterie du Sénégal, par exemple, le paiement de la collecte de lait aux éleveurs n’a pas connu de perturbation car elle se fait depuis quelques semaines via un dispositif de paiement par téléphonie mobile.

“Nous encourageons par SMS nos clients à utiliser les plateformes de paiement mobile pour les remboursements car il s’agit du mode le plus sûr à l’heure actuelle”. – Partenaire en Ouganda

Si les IMF ont su faire preuve d’adaptation rapide quant à leurs modalités de fonctionnement, le temps est également à la préparation face au ralentissement économique qui se profile. Les réunions de crise se multiplient dans les sièges sociaux, ou via des visio-conférences depuis les domiciles des responsables, afin de mettre en place des plans de continuité.

Nouvelles régulations

Un nombre croissant de pays instaure de nouvelles régulations relatives au crédit pour amortir le choc économique et le probable risque d’insolvabilité des clientèles en situation de fragilité. Les régulateurs incitent notamment les institutions financières à accorder des reports de paiement à leurs clients affectés par la crise, ainsi qu’à restructurer les prêts. De telles décisions commencent déjà à être mises en pratique.

” Le gouvernement met également en œuvre des mesures pour aider les entreprises locales, comme la réduction des taux d’intérêt. Par exemple, le taux d’emprunt pour les prêts garantis est abaissé de 1%” – Partenaire au Myanmar

“La Banque Centrale du Kirghizistan a pris les mesures de soutien suivantes  : 1) annuler l’accumulation des pénalités pour tous les emprunteurs ; 2) revoir les conditions de remboursement des prêts et prévoir un retard de paiement d’au moins 3 mois lorsque les emprunteurs en font la demande ; 3) lors de la restructuration de prêts liés à des changements dans les flux de trésorerie des emprunteurs dus au coronavirus, les institutions ne doivent pas considérer qu’il s’agit de créances douteuses si la cause en est la crise sanitaire” – Partenaire au Kirghizstan

“La Banque centrale a annoncé que les institutions financières doivent accepter toutes les demandes de report de remboursement jusqu’au 30 avril”. – Partenaire au Kosovo

Le secteur de la microfinance montre un haut degré de responsabilité et de maturité pour faire face à cette crise mondiale. Les institutions partenaires de la Fondation Grameen Crédit Agricole produisent des situations financières régulières et des analyses prévisionnelles sur leurs besoins de financement dans les mois qui viennent. Bien que nous n’ayons pas encore observé d’augmentation particulière, l’évolution des niveaux de portefeuille à risque (PAR) fait l’objet systématique d’un très haut degré de vigilance. De nombreux échanges entre prêteurs, organisations non gouvernementales spécialisées et institutions de microfinance sont désormais quotidiennement organisés.

La Fondation Grameen Crédit Agricole est au contact régulier de ses partenaires et confrères dans un effort réciproque de mise en commun des idées et des ressources. Nous partageons avec nos partenaires, avec les acteurs de l’investissement responsable et avec nos pairs nos analyses et les bonnes pratiques mises en place par les institutions de microfinance.

La mise en commun des informations disponibles, des analyses et des anticipations, puis la mise en œuvre concertée des décisions partagées sont des principes aujourd’hui vitaux pour notre secteur. Au prix de cette transparence, de cette concertation et d’une nécessaire adaptation de nos principes d’intervention, nous devrions pouvoir être en mesure de surmonter les effets de cette crise sanitaire exceptionnelle qui risque d’emporter avec elle de nombreuses institutions de microfinance, laissant les populations fragiles dans des situations désespérées. Car nous savons que la crise frappera en tout premier lieu les populations les plus démunies. Durement. Sachons être ensemble à la hauteur de ce défi humanitaire.

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Comment le Coronavirus affecte le secteur de la microfinance

Par Fondation Grameen Crédit Agricole

Créée en 2008, à l’initiative conjointe de Crédit Agricole SA et du professeur Yunus, fondateur de la Grameen Bank et prix Nobel de la paix 2006, la Fondation Grameen Crédit Agricole est un opérateur engagé dans la promotion d’une économie mieux partagée.

Investisseur, bailleur de fonds, prestataire d’assistance technique et conseiller en fonds, la Fondation compte plus de 80 partenaires (institutions de microfinance et social business) et opère dans une quarantaine de pays avec près de 100 millions d’euros d’encours de financement. La Fondation se concentre sur les institutions de microfinance au service des femmes et des populations rurales. Ces institutions soutiennent environ 4 millions de clients.

Le secteur de la microfinance est exposé et inquiet

Le 19 mars, selon les chiffres à cette date de Santé Publique France, le coronavirus a atteint 213 00 personnes dans le monde. 8 800 décès sont à déplorer. Après avoir annoncé la fermeture de nombreuses institutions et entreprises, des mesures de confinement continuent d’être prises dans le monde. L’Afrique et l’Amérique du Sud n’ont pas été officiellement touchées par le virus pendant longtemps, mais elles sont aujourd’hui confrontées à cette pandémie avec des centaines de cas déjà identifiés.

La crise sanitaire mondiale devient peu à peu une crise économique. Les activités économiques sont ralenties dans tous les pays et les bourses ont perdu près d’un tiers de leur valeur en moins d’un mois. Le secteur de la microfinance va être sans aucun doute durement affecté par les effets de cette crise mondiale.

L’équipe de la Fondation Grameen Crédit Agricole a rapidement lancé une enquête auprès de ses partenaires le 11 mars dernier afin de recueillir leurs premières impressions et analyses, l’impact sur leur activité de financement, l’activité de leurs clients et l’anticipation des besoins et des difficultés à venir. Toutes les informations contenues dans cet article proviennent de cette enquête. 56 Institutions de microfinance (IMF) y ont répondu, sur 75 partenaires interrogés (taux de participation de 75%). Les dernières réponses ont été reçues le 19 mars.

Tous nos partenaires traduisent dans leurs réponses une réelle inquiétude sur les effets attendus de cette crise sanitaire mondiale.

Les décisions des gouvernements locaux impactent déjà les petites activités génératrices de revenus

48% des IMF interrogées ont estimé que leurs clients étaient d’ores et déjà touchés par les effets de l’épidémie du coronavirus au moment de l’enquête, et 68% d’entre eux pensent qu’ils le seront dans un avenir proche. Dans de nombreux pays d’intervention, les gouvernements ont décidé de fermer des écoles ainsi que les activités non essentielles, de restreindre les déplacements ou d’interdire les rassemblements. C’est notamment déjà le cas au Sri Lanka, au Cambodge, en Roumanie, au Myanmar, en Sierra Leone, en Jordanie, au Mali et dans d’autres pays en activité. Ces changements ont lieu partout aujourd’hui et chaque jour de nouveaux pays sont ajoutés à cette liste.

De telles décisions ont d’ores et déjà un impact direct sur les clients de nos partenaires. De nombreux emprunteurs des services de microfinance dépendent des importations pour leur activité commerciale. Les fermetures de frontières et les interdictions de voyager ont des effets directs sur leurs activités. L’interdiction de voyager en Chine affecte non seulement les pays asiatiques mais aussi les pays africains.

“Comme la frontière avec la Chine a été fermée, certains prix des produits agricoles diminuent, de sorte que nos clients agriculteurs n’obtiennent pas de bons prix pour leur récolte.” – Institution de microfinance du Myanmar

“Nous avons des clients qui voyagent pour leurs achats (Chine, Côte d’Ivoire, Togo, Bénin, …). Les commerçants du secteur informel ont peur et cela peut affecter leurs activités.” – Institution de microfinance du Burkina Faso

L’impossibilité de se rassembler impacte toutes les opérations qui ont lieu dans les marchés et les foires. Les commerçants sont interdits d’exercice de leurs activités et n’ont pas de revenus alternatifs. L’interdiction de voyager affecte fortement le tourisme mondial et en conséquence toutes les petites activités de proximité dépendantes du tourisme (hôtels, chauffeurs, guides, restaurants, vendeurs de souvenirs…). Les transferts de fonds diminuent, ce qui affecte également des familles restées dans les pays d’origine qui dépendent, en grande partie, de ces transferts.

“ Si l’interdiction de voyager se poursuit dans la région du Golfe et en Europe, l’économie de la Jordanie risque de souffrir car elle dépend aussi des revenus du tourisme et des transferts de fonds du Golfe” – Institution de microfinance de Jordanie

A l’exception d’un cas, nous n’avons pas eu d’information sur la mise en œuvre d’éventuels plans d’atténuation économique qu’auraient mis en place les autorités locales, ce qui témoigne probablement d’une difficulté à ajuster ou à intervenir dans ce cadre, probablement aussi d’un manque de données précises ou de moyens budgétaires disponibles. Le seul exemple précis qui nous a été fourni est celui de la Palestine. À travers huit lignes directrices, l’Autorité monétaire palestinienne est intervenue en exhortant les sociétés financières à continuer de fournir des services de prêt aux personnes pour assurer la poursuite du cycle commercial et économique et envisager le report des paiements mensuels périodiques de tous les emprunteurs pour les quatre prochains mois (six mois pour le tourisme et le secteur hôtelier). Les mesures prévoient également qu’aucun frais, commission ou intérêt supplémentaire sur les versements différés ne saurait être perçu pendant la période.

L’activité des institutions financières pourrait se contracter

Bien que préoccupées par l’évolution de la crise et ses premiers signes, 59% (33) des IMF interrogées ont indiqué que leur activité n’était pas encore affectée par l’épidémie à la date de l’étude (entre le 11 et le 19 mars). 23 IMF (37%) se sentaient préoccupées au moment de cette enquête, donnant plusieurs explications telles que le risque pour le personnel de terrain, les déplacements restreints, le travail à domicile.

L’une des principales préoccupations est l’interdiction des réunions qui affectera toutes les institutions dont la méthodologie de microfinance est basée sur une approche de « groupe caution solidaire ». Certains partenaires s’adaptent déjà en nommant des représentants des groupes pour limiter les réunions ou en s’appuyant sur des « représentants de groupe » parmi leurs clients.

Dans certains pays où aucune décision claire n’a encore été prise, les IMF envisagent de reporter les décaissements si leurs agents de crédit ne sont pas en mesure de voyager ou doivent adapter temporairement leur processus de recouvrement.

“Pendant la période d’urgence jusqu’au 29 mai 2020, les réunions du centre client n’auront pas lieu comme d’habitude. Au lieu de cela, la méthode «Pay and Go» a été mise en place de la façon suivante  : seuls les clients « chefs de groupe », de deux à quatre personnes par centre de 15 à 20 clients en général, sont invités à se rendre à la réunion habituelle du centre. Ce sont les chefs de groupe qui percevront l’acompte de leurs membres ”. – Institution de microfinance d’Indonésie

“Nous avons mis en place une procédure spéciale pour rencontrer individuellement les membres des groupes de caution solidaire. Nous fournissons des conseils aux clients sur la meilleure façon de faire face à la situation” – Institution de microfinance du Sénégal

Nos partenaires doivent également s’adapter à la situation rencontrée par leurs collaborateurs en veillant avant tout à sauvegarder leur santé. Les risques de transmission de virus sont un facteur important à prendre en compte pour l’activité des agents de crédit. Les réponses au questionnaire montrent que les règles de confinement empêchent directement et immédiatement le bon déroulement de l’activité pour tous les services des institutions. Certains membres du personnel travaillent déjà à domicile dans certaines nstitutions.

“Almaty, où se trouve le siège social, sera en quarantaine à partir du 19 mars, les employés travailleront à distance” – Institution de microfinance du Kazakhstan

“Le personnel sur le terrain court un risque important de contracter le virus. Les employés hésitent donc à travailler avec les clients. La mise en quarantaine frappera l’ensemble du marché des IMF” – Institution de microfinance en Ouganda

Le portefeuille à risque et les besoins de liquidité sont sous vigilance

Beaucoup d’institutions se déclarent préoccupées par la montée des risques. Mais selon notre enquête, au moment de répondre, seules 11 IMF (20%) notaient une augmentation du portefeuille à risque. Nos partenaires africains ont semblé davantage préoccupé que leurs pairs des autres continents. En revanche, un grand nombre d’entre eux sur toutes nos zones d’intervention (40 pays sur 3 continents, Afrique, Asie, Europe), sont inquiets pour l’avenir : 36 IMF (64%) prévoient une augmentation du portefeuille à risque.

“Nous allons probablement enregistrer une augmentation potentielle du portefeuille d’impayés et une réduction de la demande de crédit. Cette augmentation des impayés devrait être de l’ordre de 2% mais la croissance de notre portefeuille va sans aucun doute ralentir” – Institution de microfinance du Cambodge

Étonnamment, quelques partenaires considèrent qu’ils ne courent pas plus de risques que d’habitude. Ces réactions proviennent d’institutions qui sont majoritairement implantées en zones rurales.

“De manière générale, nos clients étant principalement des ruraux (70%), nous prévoyons qu’ils ne connaîtront pas de forte détérioration d’activité ou de revenus en raison de la hausse des prix de leurs produits agricoles. Nous y verrons plus clair dans la seconde moitié d’avril.” – Institution de microfinance du Kyrgyzstan

“Au 16 mars 2020, nos activités se poursuivent comme d’habitude. Nous n’avons pas encore vu d’impact sur le remboursement des prêts au Cambodge, notamment Siem Reap et Phnom Penh. Cependant, nous nous attendons à une certaine augmentation à Siem Reap à partir de la fin de ce mois. Dans cette zone du pays toutefois, nos clients vivent principalement dans des zones rurales. L’exposition que nous avons sur le tourisme, l’hôtellerie et l’industrie des services est minime.” – Institution de microfinance du Cambodge

Cette crise sanitaire va avoir un impact sur les besoins de liquidité des institutions. Selon notre enquête, 29 IMF (52%) prévoient une évolution de leurs besoins de financement. La plupart des IMF de petite taille (portefeuille inférieur à 10 Millions de dollars) ne prévoit pas de changements dans le temps. Leur taille semble être un facteur d’agilité mais nous sommes attentifs à ce point qui ne nous semble pas particulièrement évident. La majorité des institutions de taille moyenne (taille du portefeuille entre 10 et 100 millions de dollars) prévoit des modifications dans leurs besoins de financement auprès des bailleurs de fonds (dont la Fondation Grameen Crédit Agricole). De nombreuses Institutions s’attendent à des problèmes de refinancement de leurs activités. Un renchérissement des mécanismes de couverture de change est attendu et des discussions avec les différents prêteurs sont ou vont être engagées d’ici peu.

“ Indirectement, le taux de change devient très volatile en raison de l’épidémie. Nous avons une hausse des demandes de microcrédits en dollars US et une diminution des demandes en monnaie locale, ce qui affecte le volume de prêts que nous pouvons décaisser.” – Institution de microfinance du Myanmar

Des problèmes de liquidité sont anticipés. En effet, le non-remboursement par les bénéficiaires de microcrédit pourrait constituer un obstacle à la possibilité de décaisser de nouveaux prêts. La hausse des provisions pour risques et pertes potentielles est perçue comme un obstacle pour obtenir de nouveaux financements en provenance des bailleurs de fonds habituels.

“Si la situation se poursuit jusqu’au milieu de l’année, nous aurons besoin de liquidités car la plupart des actifs liquides auront été supprimés par un provisionnement élevé pour les actifs dépréciés (pertes attendues) en raison de la hausse du non-remboursement” – Institution de microfinance en Ouganda

” Le non-remboursement des prêts entraîne une diminution de la liquidité. Oui, nous avons pris des mesures pour limiter cette situation potentielle” – Institution de microfinance du Mali

Le secteur de la microfinance en appelle à des mesures adaptées

Certaines IMF ont déjà demandé à la Fondation s’il était possible d’aider leurs institutions à traverser la période ou les effets de la pandémie seront les plus rudes.

“Nous aimerions bénéficier de conseils sur la façon d’éviter la maladie et sur les traitements disponibles et efficaces pour le traitement en cas d’infection” – Institution de microfinance du Benin

“Nous souhaiterions que la Fondation Grameen Crédit Agricole compile des informations sur les mesures de à mettre en place pour éviter le corona virus, et aussi, concernant les institutions du monde entier, sur la façon de relever les défis qui nous attendent.” – Institution de microfinance en Ouganda

Un partenaire a rappelé que lors de catastrophes naturelles passées, il y avait eu des mesures particulièrement adaptées qui avaient été mises en place. Certaines, qui peuvent paraitre contre-intuitives, avaient donné lieu à une augmentation des financements pour permettre aux clients de se remettre des chocs et dépasser cette période difficile. Assécher les financements n’aurait qu’un effet d’intensification des difficultés et des impacts de la crise.

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